Transports en commun à l’arrêt, activité économique en berne, services de santé suspendus… Cet avant-goût d’apocalypse nous oblige à nous interroger sur un modèle énergétique alternatif, de proximité susceptible de répondre à nos besoins immédiats.

Le premier ministre espagnol, Pedro Sanchez tout comme son homologue portugais Luis Montenegro n’ont pu que constater la situation sans que les causes ne soient éclaircies à ce jour. L’enquête sur l’incident pourrait prendre jusqu’à six mois. L’opérateur de réseau espagnol a écarté la possibilité d’une cyberattaque. Pour les spécialistes, la cause est entendue. Les gestionnaires de réseaux électriques savent que de tels événements peuvent se produire. Une part de leur travail est justement d’anticiper les potentiels black-out et ils conçoivent les réseaux pour que le risque soit le plus faible possible. En France et ailleurs, de telles ruptures énergétiques ont existé : le 19 décembre 1978, dans une période de froid ajouté à une forte activité économiques, commerciales et industrielles, c’est-à-dire une demande exceptionnelle d’électricité. Le réseau étant à son comble, un défaut technique sur une ligne a fait exploser le réseau en entier. Ces dernières années, rien qu’en Europe, l’Italie en 2003, la Scandinavie en 2003, l’Allemagne en 2006, la Turquie en 2015, les Balkans en 2024… ont tous connu des black-out.

Un enjeu stratégique européen

En Europe, les réseaux électriques sont maillés et interconnectés pour s’échanger de l’énergie : un point de livraison est desservi par plusieurs lignes, ce qui permet à l’électricité d’être dirigée vers des destinations différentes si une ligne pose problème. S’il y a une faille dans un réseau national, elle pourrait se répandre sur les autres réseaux nationaux. Le 28 avril, le problème aurait pu s’étendre aux autres réseaux européens. Pour s’en protéger, l’interconnexion entre l’Espagne et la France a été coupée pour éviter aux centrales françaises de subir une surcharge et concrètement, le Pays basque français n’a connu qu’une panne d’une vingtaine de minutes. Cet exemple illustre à quel point la gestion au niveau européen de l’énergie est un enjeu absolument stratégique. Pour créer une véritable « Europe de l’électricité », en 2009 les gestionnaires de réseaux de transport d’électricité européens (GRT) se sont constitués en association (ENTSO-E) en particulier pour assurer la sécurité de l'approvisionnement. C’est pourquoi l’enquête sur l’incident a été diligentée à l’ENTSO-E.

L’urgence de réfléchir à des solutions en Pays basque

Un tel événement démontre l’importance de sensibiliser sur la place et la nature de l’électricité dans notre quotidien social, économique, territoriale, etc. En termes de gestion de crise, en France, en formation en secourisme (PSC), on apprend à faire front à de telles situations (kit d’urgence, biscuits, radio à piles, lampe de poche, eau…). En Allemagne ou en Autriche, la sécurité civile travaille elle aussi sur les bons réflexes à avoir face à de tels événements. Outre les pertes de l’électricité acheminée (pertes de réseau ou de lignes, 2 à 3% de l’énergie produite), la centralisation autour de grandes centrales, en particulier nucléaires, montre sa vulnérabilité. Rappelons qu’en janvier 2009, au moment de la tempête Klaus, EDF avait demandé aux centrales hydroélectriques du département de produire de l’énergie pour pallier la défaillance du réseau.

A EAJ-PNB nous défendons ce recours à des sources d’énergie décentralisées, locales :  mini-centrales hydroélectriques, panneaux solaires… Le Plan Climat Pays Basque de 2021 ne peut pas répondre à nos enjeux car les institutions locales n’ont pas le pouvoir de conduire de politiques énergétiques face aux services déconcentrés de l’Etat. La coupure générale du 28 avril dernier exige de nous positionner sur plus d’énergies renouvelables locales. Il est vital de réfléchir en termes de réseau énergétique pour le Pays Basque. Maintenant !

Mathieu Kayser,

Membre d’EAJ-PNB

Maire Adjoint à l’Environnement et l’Economie Sociale & Solidaires, à Biarritz

Article paru dans la Semaine du Pays Basque, n°1632, le vendredi 30 Mai

La Semaine du Pays Basque, 1632 zkian, agertua, Maiatzaren 30eko Ostiralan